Le terme abstraction revient de manière récurrente sous la plume des critiques beckettiens, étant devenu un lieu commun aux allures d’une évidence qui n’est pas toujours définie ou interrogée. Il est vrai, cependant, que de nombreuses caractéristiques de l’œuvre semblent justifier ce qualificatif : autant dans le théâtre que dans la fiction, les personnages et les lieux paraissent progressivement délestés de toute fonction référentielle. L’objectif du présent recueil consiste à interroger le vocable abstrait, afin d’en déceler la complexité. Les études successives offrent autant d’éclairages mettant à jour la portée de cette notion, en sorte qu’elle n’apparaisse pas simple ou univoque, mais foncièrement problématique : la pertinence de l’idée d’abstraction paraîtra, dans le contexte beckettien, comme étant à la fois confirmée et nuancée, processus au cours duquel elle aura gagné en précision.
The term abstraction is frequently used by critics in Beckett studies, and has become commonplace, appearing as self-evident without always being defined or questioned. It is true however that many characteristics of Beckett's work would seem to justify this description: both in his theatre and in his fiction, characters and places appear to be progressively emptied of any referential function. The aim of the present volume is to question the vocable abstract, in order to discern its complexity. The successive studies shed light and renew the range of meanings included in this notion, so that it no longer appears simple or unequivocal, but fundamentally problematic: the relevance of the idea of abstraction will appear, in the context of Beckett's work, as being both confirmed and nuanced, a process in which it will have gained additional precision. |
Samuel Beckett a pu qualifier Textes pour rien d’« arrière-faix de L’Innommable », et la critique semble s’être alignée sans hésiter sur ce jugement négatif, voyant dans cette œuvre l’expression d’une impasse dans la création beckettienne. Face à ce constat, ce volume – complétant le livre d’annotations qui le précède dans notre Série – vise à affirmer son importance, à en faire entendre la richesse et la beauté, dans l’objectif de susciter un regain d’intérêt pour ce corpus. Celui-ci se distingue par la singularité de son esthétique, représentant aussi un moment d’approfondissement et de renouveau de l’écriture beckettienne. Une lecture du troisième tome des Lettres, et une étude des liens entre Beckett et Lacan complètent ce parcours.
Samuel Beckett once called Texts for Nothing the “a bit torn off the placenta of The Unnamable”, and critics seem to have unhesitatingly aligned themselves with this negative judgement, seeing in this work the expression of an impasse in Beckettian creation. Face with such a perception, this volume—complementing the book of annotations that precedes it in our Series—aims to assert its importance, to reveal its wealth and beauty, with the objective of arousing a revival of interest for this corpus. The latter stands out by the uniqueness of its æsthetics, also representing a moment of deepening and renewal of Beckett’s writing. A reading of the third volume of the Letters, and a study of the links between Beckett and Lacan complete this exploration. |