Écrit en français entre 1958 et 1960, puis transposé en anglais sous le titre How It Is à partir de 1960, le « roman » Comment c’est exerce une certaine fascination sur la critique. Par contraste avec le lyrisme élégiaque de son prédécesseur, Textes pour rien, cette œuvre en prose présente une qualité énigmatique résultant de la découpe en “versets”, de sa syntaxe émiettée et heurtée – dénuée de signes de ponctuation– et, d’autre part, sa représentation d’un univers envahi par la boue. Même si la critique fréquente souvent les pages de Comment c’est, cette œuvre reste un texte mal-aimé qui, malgré sa dimension épique, ne cesse de résister à une vision d’ensemble. Le « monde » construit dans Comment c’est est révélé comme étant « si peu possible ». Ce sont diverses facettes du possible et de l’impossible que le présent volume cherche à mettre en lumière.
Written in French from 1958 to 1960, then transposed in English under the title How It Is as of 1960, the ‘novel’ Comment c’est exerts a certain fascination on critics. By contrast with the elegiac lyricism of its predecessor, Textes pour rien / Texts for Nothing, this prose work presents an enigmatic quality resulting from its division into ‘versets’, its abrupt and fragmented syntax – devoid of punctuation signs – and, on the other hand, its representation of a world drowned by mud. Even if critics often frequent the pages of How It Is, this work remains somewhat unloved and which, in spite of its epic dimension, never ceases to resist an overall vision. The “world” constructed in How It Is proves to be “so little possible”. It is the diverse facets of the possible and the impossible that the present volume seeks to shed light on. |
Œuvre en prose bilingue majeure de Samuel Beckett, Comment c’est est un texte énigmatique et souvent obscure, à la fois offrant et rejetant une vision d’ensemble de sa construction et de son sens. Ce commentaire bilingue révèle, verset par verset, les subtilités des références intertextuelles et de la construction poétique, tout en éclairant la cohérence du récit développé.
How It Is, one of Beckett’s major bilingual prose works, is an enigmatic and often obscure text, which both suggests and resists an overall vision of its construction and meaning. This bilingual verse by verse commentary reveals the intricacies of the intertextual references and the poetic construction, while bringing to light the coherence of the narrative. Ouvrage bilingue français / anglais Bilingual volume French / English Commander en ligne ici. |
Le terme abstraction revient de manière récurrente sous la plume des critiques beckettiens, étant devenu un lieu commun aux allures d’une évidence qui n’est pas toujours définie ou interrogée. Il est vrai, cependant, que de nombreuses caractéristiques de l’œuvre semblent justifier ce qualificatif : autant dans le théâtre que dans la fiction, les personnages et les lieux paraissent progressivement délestés de toute fonction référentielle. L’objectif du présent recueil consiste à interroger le vocable abstrait, afin d’en déceler la complexité. Les études successives offrent autant d’éclairages mettant à jour la portée de cette notion, en sorte qu’elle n’apparaisse pas simple ou univoque, mais foncièrement problématique : la pertinence de l’idée d’abstraction paraîtra, dans le contexte beckettien, comme étant à la fois confirmée et nuancée, processus au cours duquel elle aura gagné en précision.
The term abstraction is frequently used by critics in Beckett studies, and has become commonplace, appearing as self-evident without always being defined or questioned. It is true however that many characteristics of Beckett's work would seem to justify this description: both in his theatre and in his fiction, characters and places appear to be progressively emptied of any referential function. The aim of the present volume is to question the vocable abstract, in order to discern its complexity. The successive studies shed light and renew the range of meanings included in this notion, so that it no longer appears simple or unequivocal, but fundamentally problematic: the relevance of the idea of abstraction will appear, in the context of Beckett's work, as being both confirmed and nuanced, a process in which it will have gained additional precision. |
Samuel Beckett a pu qualifier Textes pour rien d’« arrière-faix de L’Innommable », et la critique semble s’être alignée sans hésiter sur ce jugement négatif, voyant dans cette œuvre l’expression d’une impasse dans la création beckettienne. Face à ce constat, ce volume – complétant le livre d’annotations qui le précède dans notre Série – vise à affirmer son importance, à en faire entendre la richesse et la beauté, dans l’objectif de susciter un regain d’intérêt pour ce corpus. Celui-ci se distingue par la singularité de son esthétique, représentant aussi un moment d’approfondissement et de renouveau de l’écriture beckettienne. Une lecture du troisième tome des Lettres, et une étude des liens entre Beckett et Lacan complètent ce parcours.
Samuel Beckett once called Texts for Nothing “a bit torn off the placenta of The Unnamable”, and critics seem to have unhesitatingly aligned themselves with this negative judgement, seeing in this work the expression of an impasse in Beckettian creation. Faced with such a perception, this volume—complementing the book of annotations that precedes it in our Series—aims to assert its importance, to reveal its wealth and beauty, with the objective of arousing a revival of interest for this corpus. The latter stands out by the uniqueness of its æsthetics, also representing a moment of deepening and renewal of Beckett’s writing. A reading of the third volume of the Letters, and a study of the links between Beckett and Lacan complete this exploration. |
Moins connu que celui des “grandes” pièces, le dernier théâtre de Samuel Beckett révèle des œuvres finement ciselées et dont la matière est réduite à l’essentiel. C’est un corpus que l’auteur a souvent désigné par le néologisme “dramaticules”. Son unité peut se saisir dans son caractère minimaliste qui, loin d’être un simple choix esthétique, semble témoigner de la volonté d’épouser une rigueur logique, celle-ci n’étant pas étrangère à la scission que Beckett pratique entre le personnage et sa parole, entre le récit et l’espace scénique. Cependant, cette structuration synchronique rencontre des moments de rupture, où le personnage fait entendre sa subjectivité dans un cri, qui apparaît aussi comme un évanouissement.
If the ‘major plays’—Waiting for Godot, Happy Days and Endgame—are now part of the repertoire of stage directors, Beckett’s late theatre is ignored by non-specialists. So this third volume of our Series seeks to reveal the great poetic wealth of these works belonging to Beckett’s maturity, and which we call—following the author—‘dramaticules’. After a reflection on the specificity of this corpus’ and the questions of genre it raises, this volume examines the presence/absence problematics, before studying the primordial place that these plays reserve for the voice. Two further texts deal respectively with the presence of Dante and the translation of Beckett’s plays into Hebrew. |
Chez Samuel Beckett, l’écriture articule intimement la dimension esthétique à l’implication subjective du créateur, et dont on peut appréhender les effets esthétiques au sein d’une triangulation structurante. Premièrement, la fonction discriminante du signifiant apparaît sous la forme de la parole articulée, et de la voix qui, sous la forme du silence, l’excède. Ensuite, la question de l’image est indissociable de son rapport avec le revers du visible, sous les espèces du regard. Enfin, le nouage de ces deux faces se confirme à l’endroit même où l’écriture s’éprouve dans l’irréductible matérialité du corps.
In Beckett’s work, writing—in its structural meaning, independently of the medium in which it is realised—intimately articulates the æsthetic dimension with the question of the creator’s subjective implication. In the first volume of this Series (titled L’Ascèse du sujet), we dealt with some aspects of the question of what seems to inform Beckett’s creative impulse. This second volume offers us the possibility of pursuing a closely related theme, but with a change of perspective. The studies here aim to situate certain æsthetic effects within a structuring triangle. Thus we start with the discriminating function of the signifier, in the form of articulated speech, and as a voice which, in the form of silence, exceeds it. The question of the image is then examined, in relation with the gaze that underlies it. Finally, the binding of these two facets is confirmed at the very place where writing is experienced in the irreducible materiality of the body. |
L’écriture de Samuel Beckett apparaît comme le produit d’une ascèse, où l’auteur rapetisse son écriture sur les signifiants formant l’os d’une structuration. Le sujet beckettien se définit par sa rencontre avec sa singularité absolue, corrélée à l’impossible dans lequel le désir puise sa substance. Refusant de céder au leurre d’une adéquation possible entre signifiant et signifié, entre le mot et la chose, Beckett fait de son écriture le lieu d’un mal dire. L’expression de ce qui cause le désir de l’écriture en est rendue plus palpable, témoignant d’une adhésion inconditionnelle aux mots dans leur caractère contingent, dans leur nature écornée et ce, sans espoir de se voir récompensé par l’accès à un quelconque savoir.
Samuel Beckett's writing appears as the expression of a creative ascesis, diversely manifested by the will to be free of a corrupted body, to abolish desire or the temptation to put an end to life. These negative processes remain incomplete, marking a point where words can go no further, founding an aesthetics of failure. The effets of repetition and combinatory procedures testify to the presence of the subject of writing confronted with the opaque core of his creation. This theme is explored from the perspectives opened by psychoanalysis, philosophy, genetic analysis, comparative studies and the implications of biligualism. |