La première partie de ce numéro 8 de la série Duras « Mythe(s), écriture et création » désire dessiner un champ de lecture mythopoétique et mythocritique de l’œuvre allant interroger les différents processus et dispositifs de création empruntés par l’autrice qui réactivent et modernisent le savoir mythologique tout en proposant de nouvelles mythologies. L’œuvre de Duras s’inscrit en effet dans un geste aédique continu, car, poreuse aux messages et aux rumeurs que transmet le monde, la voix de l’écrivaine colporte, d’une génération à l’autre, la légende des temps.
Sommaire
Avant-propos, par Sylvie LOIGNON Introduction, par Simona CRIPPA |
Si Maurice Blanchot semble accompagner l’entrée en littérature de Marguerite Duras, en rédigeant le premier compte rendu de son premier roman, Les Impudents, en 1943, les deux écrivains entretiennent une forme de compagnonnage amical et intellectuel. Blanchot fréquenta d’ailleurs le « groupe de la rue Saint-Benoît », autour du couple formé par Dionys Mascolo et Marguerite Duras, et de Robert Antelme. De mêmes lignes de réflexion (sur le communisme et la judéité notamment), des engagements politiques similaires réunissent ces écrivains et intellectuels autour de la revue 14 Juillet, du Manifeste des 121, ou encore du Comité d’action étudiants-écrivains pendant les événements de Mai 1968. Ces relations amicales et intellectuelles ne sont pas sans résonance sur les œuvres de chacun des écrivains. Or, pour l’instant, ces relations ont été relativement peu explorées par la critique.
Blanchot est lecteur et critique de l’œuvre durassienne. Il l’est doublement pourrait-on dire, tant il semble avoir joué un rôle non pas seulement dans la réception de l’œuvre de Duras comme le montrent ses articles – « La douleur du dialogue » (1956), « La voix narrative » (1964), « Détruire » |
Information le plus souvent brève et dont la diversité est la caractéristique majeure, le fait divers propose une « mise en discours » et une « mise en récit » d’un fait arrivé dans le réel, engendrant une représentation du réel, de la société et de l’imaginaire collectif, et leur interprétation. Le fait divers démontre autant qu’il montre le réel. Comme l’écrit Merleau-Ponty : « Le goût du fait divers, c’est le désir de voir, et voir c’est deviner dans un pli de visage tout un monde semblable au nôtre. » Le fait divers reflète les structures profondes de l’imaginaire et s’intéresse à toutes les formes que peut prendre la fatalité. Roland Barthes (1) a, quant à lui, mis en exergue certains traits formels caractéristiques du fait divers : « récit à structure immanent », le fait divers ne nécessite pas de connaissances en dehors de lui-même – à la différence du fait politique ou historique. Surtout, le fait divers instaure une déviation par rapport à la norme, selon ce que Barthes appelle les « paradoxes de la causalité », affectant la cause et la coïncidence, et révélant le tragique de l’existence. Ainsi, le fait divers donne à voir la société, les mentalités et les fantasmes qui la régissent et tend au lecteur un miroir singulièrement fascinant et repoussant – en cela il a une fonction cathartique.
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Si importante que soit la bibliographie critique de Marguerite Duras, il est peu de travaux qui aient évoqué cette œuvre à partir du geste descriptif. La description traverse pourtant les textes durassiens, souvent en marge, parfois au premier plan. Celle-ci se cristallise en particulier dans l’évocation de paysages, ceux de l’enfance et des pays lointains, mais aussi ceux qui n’existent que de donner forme signifiante aux personnages qui les habitent. Paysage d’eau ou urbain, l’espace décrit se révèle chez Duras illimité, appel à percevoir pour mieux témoigner d’un manque à voir, paysage intérieur dans lequel se réfléchit le monde.
Sommaire
Avant-propos de Bernard ALAZET
Yann Andréa – Entretien avec Catherine RODGERS Présentation par Anne COUSSEAU |
avant-propos, par Carol MURPHY
introduction, par Myriem EL MAÏZI et BRIAN STIMPSON I. PROCÈS D’ÉCRITURE. 1. Des “Coréens” à Emily L. : genèse d’une poïétique durassienne, par Brian STIMPSON. 2. « Une même personne indéfiniment multipliée » : l’ubiquité du personnage- écrivain dans Emily L. de Marguerite Duras, par Maud FOURTON. 3. La Réécriture chez Marguerite Duras : entre épuisement et relance, par Bernard ALAZET. 4. « On peut aussi ne pas écrire, oublier une mouche » — Genèse de Aurélia Steiner (Paris), par Myriem EL MAÏZI. 5. “Un miroir qui revient” : genèse de la scène du bal dans l’avant-texte de Le Ravissement de Lol V. Stein de Marguerite Duras, par Annalisa BERTONI. |
présentation de la Série Marguerite Duras, par Bernard ALAZET
avant-propos, par Bernard ALAZET I. MARGUERITE DURAS OU LES RÉCITS DES DIFFÉRENCES SEXUELLES. Viens, liminaire, par Mireille CALLE- GRUBER. 1. La Dérobée du récit chez M. Duras, par Mireille CALLE-GRUBER. 2. « Elle marcherait et la phrase avec elle » : la phrase, le neutre, l’androgyne chez M. Duras, par Bernard ALAZET. 3. L’Écriture, “admirable putain” : écriture et prostitution chez M. Duras, par Chloé CHOUEN-OLLIER. 4. Souvenirs du Triangle d’or ou du troisième sexe au troisième texte dans L’Amant de la Chine du Nord de M. Duras, par Johan FAERBER. 5. La Retombée des mots : le corps des mots dans l’œuvre de M. Duras, par Sylvie LOIGNON. |
avant-propos, par Bernard ALAZET.
1. Paroles d’auteur : les enjeux du paratexte dans l’œuvre de Duras, par Christiane BLOT-LABARRÈRE. 2. Faire rêver la langue : style, forme, écriture chez Duras, par Bernard ALAZET. 3. Réécrire l’origine : Duras dans le champ analytique, par Philippe SPOLJAR. 4. Les Lectures « sémiotiques » du texte durassien : un barrage contre la fascination, par Madeleine BORGOMANO. 5. « La Région des voix » : énonciation verbale et narration chez Duras, par Florence de CHALONGE. 6. Duras traduite, Duras traductrice, par Robert HARVEY. Bernard ALAZET ed. 2002. Coll. « La Revue des lettres modernes /L’Icosathèque 19 ». 188 p. 19€. ISBN 978-2-256-91042-5 RÉIMPRESSION : commander en ligne ici. |