SommaireIntroduction. Romain Gary ou le roman total / Introduction. Romain Gary or the total novel, par Yves BAUDELLE, Julien ROUMETTE 1. Stratégie océan bleu : saisir l’originalité de Romain Gary / Blue Ocean Strategy. Grasping the Originality of Romain Gary, par Jørn BOISEN 2. « La boîte de couleurs » défendue ou la tentation picturale de Romain Gary / The Forbidden “box of colors” or the Pictorial Temptation of Romain Gary, par Julien ROUMETTE 3. Pour Sganarelle et le Nouveau Roman : la métafiction de Gengis Cohn / Pour Sganarelle and the Nouveau Roman : The Metafiction of Genghis Cohn, par Ruth DIVER 4. Méditer le roman avec Romain Gary dans Pour Sganarelle / Meditate on the Novel with Romain Gary in Pour Sganarelle, par Astrid POIER-BERNHARD 5. Romain Gary, la réalité, échec et mat ? / RomainGary, Reality, Checkmate ?, par Maxime DECOUT |
Dans Pour Sganarelle, Gary fait du picaresque la notion clé de sa conception du roman. Plus qu’à un genre, il se réfère à un type de personnage : le picaro. Voyous, prostituées, maquereaux, vagabonds peuplent ses romans, avec en filigrane la figure de l’auteur. Pourtant, le roman picaresque n’est pas un véritable modèle littéraire pour Gary. L’idéalisme est trop ancré en lui. La figure du « paumé », marginal d’une autre façon, par désir d’aliénation, contrebalance le cynisme lucide et intéressé du picaro. Ce volume précise le sens de la référence picaresque chez Gary : ancrage dans des traditions littéraires (américaine, russe, française), originalités (référence à Teilhard de Chardin) et figures privilégiées (Jésus, Judas, le Juif errant).
|
« La vie est jeune », écrit Gary dans La Promesse de l’aube. L’attention aux phénomènes de génération est une constante de son œuvre. Parce qu’il a fait partie d’une génération qui s’est forgée et imposée dans l’action, cette notion est, pour lui, essentielle. Homme de la France Libre, il n’a eu de cesse de proclamer sa fidélité à la fraternité combattante de 1940.
Mais Gary ne s’enferme pas dans la commémoration de ce qu’il a vécu. Sa fidélité à sa fratrie, paradoxalement, l’ouvre aux autres générations. Il a mis toute sa lucidité à percevoir ce qui habitait en propre chacune de celles qu’il a croisées ensuite, des adolescents d’après-guerre à la jeunesse américaine des années Soixante, puis à celle de la France des années Soixante-Dix, allant même jusqu’à en incarner une des voix marquantes sous le pseudonyme d’Ajar. Fait exceptionnel, par son attention à la jeunesse, Gary a ainsi été l’écrivain de plusieurs générations. À l’articulation de deux générations se jouent les notions d’héritage, de transmission, de révolte, de succession par la révolte, etc. Chez Gary, elle est marquée par l’absence, la révolte et les adoptions : absence des parents, la plupart des héros garyens sont orphelins ; |