Le monde comme une fiction... Une fiction d’horreur, d’absurde, d’inexplicable folie ou cruauté, on ne sait, dont le « vent noir» nous parvient parfois quasi malgré nous. En effet, les grands arcs narratifs, qui structurent le long temps des séries, ont presque toujours à voir avec les invariants anthropologiques de l’imaginaire collectif ; le sexe et la mort, l’amour et le crime, la violence et le pardon en sont les composantes majeures. Pourtant, s’ils sont souvent des « déclencheurs » d’intrigue sérielle, ils se font plus discrets quand commence l’enquête proprement dite, car une isotopie en remplace une autre – ou plutôt un faisceau d’isotopies, liées aux codes du feuilleton comme à ceux du polar... grand pourvoyeur, comme nous allons le découvrir, d’amours lamentables et de vampires affectifs.
Sommaire
1. Amour (devenu) fou et crimes en séries : quand le polar ausculte les abîmes, par Isabelle Rachel CASTA
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« Dans la puissance, la sensation est anesthésie, la pensée non pensée, l'œuvre le désœuvrement » (Giorgio Agemben)
La première livraison de “Séries policières” concernera les nombreuses et récentes réécritures (ou ré-élaborations) de faits sociétaux troubles et troublants, ce qu'il est convenu de nommer, faute d'une catégorie moins nébuleuse, les faits divers. Si le grand modèle reste Truman Capote dans In Cold Blood, les récits d'Anne Rule, expertisant toujours les “événements” criminels à teneur traumatogène, peuvent également servir de pierre d'achoppement ; mais c'est vers les écritures françaises que nous aimerions plus spécifiquement porter notre attention, englobant aussi bien les “romans” Emmanuel Carrère que ceux de Morgan Sportès. La caractérisation de policier s'attache au versant criminel des événements relatés, puisque aussi bien la modalité de l'enquête semble bien informer la plupart des régies narratives qui vont en découler. |